Managers, vos employés seront-ils surpris lors de leur évaluation annuelle ?
Le début d’année est le moment des entretiens d’évaluation individuelle. Pour qu’ils soient vraiment utiles, il faudra les préparer en amont et notamment la question sensible des objectifs.
Janvier, c’est le mois des vœux… et des entretiens d’évaluation individuelle dans bien des entreprises. Pour être pleinement utiles, il convient de les préparer en amont. La définition des objectifs est aussi délicate qu’essentielle.
Les entretiens d’évaluations annuelles de performance, qui consistent à apprécier le travail d’un employé sur une période passée, par le supérieur hiérarchique, sont une pratique courante dans presque toutes les organisations. Contrairement aux entretiens professionnels, elles ne sont cependant pas une obligation légale, sauf si une convention collective l’impose. Pourtant, en s’appuyant sur des critères liés aux missions du poste, elles figurent parmi les tâches les plus essentielles, mais aussi les plus chronophages et les moins appréciées des managers !
En revanche, lorsqu’elles sont réalisées de manière adéquate, ces évaluations conservent un rôle décisif dans le processus de gestion des performances, favorisant dans le meilleur des cas l’optimisation des résultats individuels des collaborateurs et la réussite globale de l’entreprise.
Les défis des évaluations de performance
En effet, les évaluations de performance sont étroitement liées aux promotions, aux primes et à l’évolution de carrière. Cette dynamique implique que les décisions relatives à ces évaluations, souvent déterminantes, suscitent une anxiété accrue chez les employés tout en plaçant les managers sous pression pour garantir l’équité et la précision des jugements.
Pour les managers, l’exercice consiste souvent à fournir un feedback en évitant les confrontations et sans nuire aux relations ou au moral des équipes. En revanche, de leur côté, les employés peuvent réagir de manière émotionnelle face à ce qu’ils perçoivent comme des jugements injustes ou biaisés dans le processus d’évaluation.
Suivant une approche réflexive et analytique, on pourrait affirmer que deux limites majeures caractérisent les revues annuelles d’évaluation :
L’accent mis sur la responsabilisation des employés pour les performances antérieures durant l’année précédente, au détriment de l’amélioration de leurs performances actuelles ou futures.
Le flou, intentionnel ou non, entourant les objectifs fixés par les managers. Ce manque de clarté conduit souvent les employés à se sentir pris au dépourvu face à des critiques inattendues, et désorientés face à l’absence de réalisations de certains objectifs qu’ils ne connaissaient même pas.
Le rôle du feedback et de la perception
Généralement, lorsque les collaborateurs sont surpris lors des évaluations, cela concerne souvent des retours négatifs. Or, si certains réagissent bien à ces critiques, d’autres les vivent mal. Comment expliquer cette différence de réaction ?
La réponse réside dans deux facteurs ayant des répercussions importantes sur la motivation des employés à apprendre de leurs erreurs et à améliorer leurs performances.
Tout d’abord, il faut regarder l’attribution que les employés font de ces retours, c’est-à-dire les raisons qu’ils prêtent à leur supérieur pour justifier ces critiques, et ensuite dans leur core self-evaluation (CSE), une évaluation personnelle regroupant des aspects tels que l’estime de soi et la confiance en ses compétences. De ce fait, lorsque les employés perçoivent un manque de transparence et de clarté de la part de leurs supérieurs dans la définition des objectifs – ou lorsqu’ils suspectent que les managers brouillent volontairement ces objectifs pour conserver une flexibilité dans leurs évaluations – cela peut entraîner des interprétations négatives des retours formulés. Ce lien entre la perception et l’attribution des feedbacks met en lumière l’importance cruciale d’adopter de bonnes pratiques de fixation des objectifs et de maintenir une conduite éthique dans les interactions avec les employés.
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Gare au brouillage des objectifs volontaire ou non
Contrairement aux croyances souvent partagées, les objectifs fixés par les employés eux-mêmes, ceux assignés par un supérieur, ou encore ceux définis de manière collaborative peuvent tous en effet améliorer les performances professionnelles de manière quasi égale ! Cependant, pour que des objectifs assignés soient aussi efficaces que ceux établis de manière participative, ils doivent être assez stimulants, et surtout le manager doit expliquer clairement pourquoi ils ont été mis en place.
Les managers doivent également veiller à ne pas brouiller ces objectifs, que ce soit intentionnellement ou par inadvertance. Des recherches récentes ont révélé que certains managers ont recours délibérément au « brouillage des objectifs » – un comportement intentionnel visant à maintenir une certaine flexibilité dans l’évaluation des employés. D’autres, en revanche, se sentent limités à formuler des objectifs clairs ce qui conduit de manière involontaire à des attentes floues.
Vers une culture de feedback continue
Par ailleurs, le respect, l’équité, le sens du service, l’honnêteté et la communication efficace restent des traits clés du leadership éthique qui ne se limite pas à l’action appropriée, mais constitue également un facteur déterminant dans la réussite organisationnelle.
Lorsque les employés reçoivent des retours seulement une ou deux fois par an, ils peuvent être surpris et peu préparés à l’évaluation, qu’il s’agisse de retours positifs ou négatifs. C’est pourquoi de nombreuses organisations adoptent des communications plus fréquentes et axées sur le développement de la relation manager-employé. La qualité de ces échanges peut transformer positivement l’ensemble du processus de gestion des performances, y compris les évaluations annuelles.
L’absence d’un ingrédient clé
Au cours des dernières années, de grandes entreprises comme Accenture, Deloitte, General Electric ou d’autres, ont progressivement abandonné les systèmes rigides de notation des performances. Ces entreprises ont simplement pris conscience que leur approche d’évaluation du travail des employés – et des décisions en matière de formation, de promotions ou de rémunération – devenait obsolète et manquait d’un ingrédient clé
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En s’appuyant sur les principes tirés de l’un des articles publié par la Harvard Business Publishing basé sur l’approche de Deloitte pour réinventer la gestion des performances, nous proposons des recommandations clés pour aider les managers à opérer un changement de paradigme :
- Une culture de feedback continu. Plutôt que de s’en tenir à un bilan annuel ou semi-annuel, il est recommandé d’établir des « check-ins » hebdomadaires et des échanges réguliers entre les managers et leurs collaborateurs. Ces moments permettent de se focaliser sur ce qui fonctionne bien et d’identifier les défis immédiats à relever.
Chaque employé ayant des compétences, des ambitions et un style de travail uniques, ces échanges doivent être personnalisés en conséquence. Par ailleurs, il est utile pour les managers de prendre régulièrement des notes, même concises, sur les sujets abordés lors de ces interactions.
Valoriser les réussites même les plus modestes
Des retours bien équilibrés. Se concentrer uniquement sur les faiblesses risque de démotiver les collaborateurs. Un équilibre est nécessaire, avec des retours qui reconnaissent les réussites, même les plus modestes. Des approches simples, comme le modèle « Start, Stop, Continue », peuvent structurer efficacement les retours. Ce modèle propose trois axes : ce qui devrait être entrepris, ce qui devrait cesser et ce qui devrait se poursuivre. Par exemple : « Commencer à déléguer davantage, arrêter d’essayer de tout gérer seul, et bravo ; continuer à créer de bonnes relations avec les parties prenantes. »
Objectifs participatifs, sinon très clairement expliqués ! Les objectifs définis de manière collaborative avec les employés apparaissent souvent comme plus engageants, atteignables et significatifs. Pourtant, quand cela n’est pas envisageable, il est impératif que les objectifs fixés soient adéquats, clairs et parfaitement compris par les collaborateurs.
Pour optimiser leur efficacité, il est également préférable de privilégier les résultats plutôt que les tâches. En suivant une application progressive des critères de l’approche SMART, il devient possible d’adapter les objectifs aux contraintes et au contexte spécifique. Cela limite les ambiguïtés et offre une meilleure compréhension des finalités visées.
Enfin, pour repositionner les évaluations de performance comme un processus continu et collaboratif ; des échanges fréquents et systématiques entre managers et employés sont impératifs ! Ces interactions permettent de renforcer la motivation des collaborateurs, d’améliorer les performances collectives et d’éviter les surprises désagréables. Qu’elles soient liées à un manque de feedback ou à des objectifs flous et mal définis, ces situations peuvent être surmontées par une communication régulière et transparente.
George Kassar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.