Astéroïdes : une nouvelle analyse révèle la présence d’eau salée à l’aube du système solaire

Deux nouvelles études montrent qu’un environnement saumâtre et riche en carbone sur l’ancêtre de l’astéroïde Bennu était propice à l’assemblage d’éléments constitutifs de la vie.

Jan 31, 2025 - 10:41
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Astéroïdes : une nouvelle analyse révèle la présence d’eau salée à l’aube du système solaire
Des porte-échantillons contenant la poussière de l’astéroïde Bennu, témoin de temps immémoriaux. Erika Blumenfeld & Joseph Aebers/JSC

De nouvelles études montrent qu’un environnement saumâtre et riche en carbone sur l’ancêtre de l’astéroïde Bennu était propice à l’assemblage d’éléments constitutifs de la vie.


En octobre 2020, un vaisseau spatial robotisé de la taille d’une camionnette s’est brièvement posé à la surface de Bennu, un astéroïde de 525 mètres de large, situé à 320 millions de kilomètres de la Terre, avant de redécoller.

C’est ainsi que la mission OSIRIS-REx de la NASA a pu recueillir un précieux échantillon de poussière et de petits cailloux affleurant cette surface, après avoir passé deux ans à orbiter autour de l’astéroïde pour l’imager. La capsule contenant l’échantillon est revenue sur Terre en septembre 2023, dans le désert de l’Utah, aux États-Unis. Depuis, une équipe internationale dont nous faisons partie s’est attelée à l’étude des quelque 120 grammes de matériaux prélevés sur Bennu.

Nos conclusions sont présentées dans deux nouveaux articles publiés le 29 janvier 2025 dans Nature et Nature Astronomy. Nos analyses de la poussière de Bennu montre que l’ancêtre de Bennu, un plus grand astéroïde, aurait pu contenir de l’eau salée — ce qui ouvre de nouvelles perspectives sur la chimie des débuts du système solaire.

Des vestiges intouchés de roches datant de la nuit des temps

Les astéroïdes sont les restes de corps plus gros datant du début de l’histoire de notre système solaire, qui ont été détruits par des collisions avec d’autres objets — on parle de corps « parents ». Les fragments qui restent aujourd’hui sont en orbite autour du Soleil et présentent une grande diversité de formes, de tailles et de compositions chimiques.

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L’astéroïde Bennu a été choisi pour la mission OSIRIS-REx parce que les observations de télédétection effectuées depuis la Terre indiquaient qu’il s’agissait d’un astéroïde de type B, c’est-à-dire riche en carbone et en minéraux argileux hydratés — et présentent peut-être des similitudes avec le groupe de météorites les plus anciennes que l’on trouve directement sur Terre, les « chondrites carbonées ». Mais contrairement aux échantillons de météorites que l’on trouve sur Terre, les échantillons prélevés sur les astéroïdes n’ont pas été modifiés physiquement ou chimiquement par l’atmosphère et la biosphère terrestres.

Ce sont les témoins intouchés de temps immémoriaux, et c’est pour cela qu’ils permettent d’aborder des questions essentielles sur l’évolution du système solaire primitif, la formation des planètes et les ingrédients de la vie.


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[NDLT : D’autres missions d’exploration d’astéroïdes, en particulier la mission Hayabusa2 qui a ramené en décembre 2020 de la poussière de l’astéroïde Ryugu, visent à répondre à ces questions.]

Un autre objectif de la mission OSIRIS-REx est d’établir un lien entre les résultats obtenus à partir d’échantillons prélevés en laboratoire et ceux obtenus grâce aux techniques de télédétection. Cela nous permet de corroborer les observations astronomiques d’astéroïdes afin d’améliorer nos études du système solaire.

Minuscules cristaux de minéraux salés

Pour éviter toute contamination, la capsule scellée contenant l’échantillon a été stockée et manipulée dans une énorme boîte en verre lors de son retour sur Terre. Des gants en caoutchouc ont été introduits dans cette boîte par le côté afin que les scientifiques puissent manipuler les échantillons sans les toucher directement. Elle a également été purgée à l’azote pour empêcher l’humidité et l’oxygène de l’atmosphère terrestre d’y pénétrer.

Quatre personnes en combinaison blanche déballent une capsule dorée
Les équipes de conservation traitent la capsule d’échantillons de retour de la mission OSIRIS-REx (NASA) dans une salle blanche. Keegan Barber/NASA

Lorsque nous avons analysé l’intérieur des particules de poussière de Bennu, nous avons été surpris de trouver de minuscules cristaux de minéraux salins connus sous le nom d’halite (ou « sel gemme », à base de chlorure de sodium) et de sylvine ou sylvite (autrefois « sel amer » à base de chlorure de potassium).

Il s’agit là d’une découverte révolutionnaire.

En effet, l’halite est extrêmement rare dans les météorites. Elle n’a été trouvée que dans trois des centaines de milliers de météorites connues sur Terre. Nous savons également que l’halite est très soluble. Elle peut se dégrader rapidement lorsqu’elle est exposée à l’air ou à l’eau sur Terre.

D’autres membres de l’équipe d’analyse de l’échantillon rapporté par OSIRIS-REx ont identifié une variété d’autres minéraux salins. Il s’agit notamment de carbonates de sodium, de phosphates, de sulfates et de fluorures.

Ces minéraux peuvent se former par évaporation de saumures, à l’instar des dépôts qui se forment dans les lacs salés de la Terre. Quand nous avons comparé ces résultats à la composition chimique des lacs salés de la Terre, une image a commencé à se dessiner, celle de saumures s’évaporant sur le corps parent de l’astéroïde Bennu, laissant sur place des traces… de sels.


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Tiny shards of crystals
Minuscules cristaux de différents minéraux, parmi lesquels du carbonate de sodium (sur ce cliché), trouvés dans les échantillons de l’asteroïde Bennu. Timothy McCoy/Smithsonian

Une variété de composés organiques

Cette découverte donne un nouvel aperçu d’une activité hydraulique dans les premiers temps de notre système solaire.

Mais la présence de minéraux salins est importante pour une autre raison : sur Terre, ces minéraux catalysent la formation de composés organiques tels que les nucléobases et les nucléosides, c’est-à-dire qu’ils accélèrent les réactions chimiques produisant des éléments de la « soupe primordiale » qui aurait permis l’émergence de la vie sur Terre.

Et de fait, une analyse distincte de l’échantillon de Bennu par nos collègues a identifié une grande variété de composés organiques présents sur l’astéroïde Bennu.

Ils ont reconnu 14 des 20 acides aminés que l’on trouve dans les processus biologiques terrestres, mais comprennent aussi plusieurs acides aminés absents des processus biologiques que nous connaissons sur Terre, ainsi que de l’ammoniac et les cinq nucléobases qui constituent l’ARN et l’ADN terrestre.

Ainsi, ces deux nouvelles études montrent qu’un environnement saumâtre et riche en carbone sur le corps parent de Bennu était propice à l’assemblage des éléments constitutifs de la vie — même si aucune vie n’y a été détectée.

Une capsule noire au milieu du désert
En septembre 2023, une capsule contenant l’échantillon vierge de Bennu est revenue sur Terre, atterrissant dans le désert de l’Utah aux États-Unis. Keegan Barber/NASA

Et maintenant ?

Ces résultats pourraient permettre aux chercheurs de mieux comprendre ce qui se passe sur les corps glacés éloignés de notre système solaire, notamment sur la lune de Saturne appelée Encelade et sur la planète naine Cérès située dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter.

Encelade et Cérès possèdent tous deux des océans de saumure sous la surface. Pourraient-ils abriter de la vie ?

Nous continuons à étudier Bennu en utilisant les échantillons collectés par OSIRIS-REx en 2020. Actuellement, nous nous penchons sur la chronologie d’évènements qui auraient mené à l’éclatement du corps parent de Bennu et nous recherchons des preuves d’impacts enregistrées par divers minéraux dans les échantillons.


Les auteurs de cet article remercient les personnes suivantes pour leur contribution aux recherches menées à l’Université Curtin, en Australie : Fred Jourdan, Steven M. Reddy, David Saxey, Celia Mayers et Xiao Sun ainsi que l’ensemble de l’équipe de la mission OSIRIS-REx.The Conversation

William Rickard a reçu des financements du Australian Research Council et du gouvernement australien.

Nick Timms et Phil Bland ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.