Le métavers est-il mort ?

Décrié mais toujours porteur de potentiels, le métavers s’inscrit dans une dynamique de transformation

Jan 27, 2025 - 19:15
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Le métavers est-il mort ?

Le métavers, emblème des espaces virtuels immersifs et persistants (VIP), semblait destiné à transformer nos usages numériques. Pourtant, aujourd’hui, il suscite un mélange de scepticisme et d’enthousiasme.

Entre l’effondrement des promesses initiales et l’émergence de nouvelles dynamiques, une question se pose : le métavers est-il en déclin, ou assistons-nous à une phase de métamorphose ?


En 2024, la division Reality Labs de Meta, responsable du développement de matériel et de logiciels de réalité virtuelle (VR) et de réalité augmentée (AR), a affiché des pertes de 4 milliards de dollars sur un trimestre, atteignant un total de 58 milliards depuis 2020. Le géant a toutefois réalisé un bénéfice net de 15,69 milliards de dollars au troisième trimestre 2024, soit une hausse de 35 % sur un an. Le géant reste déterminé, puisqu’après le succès des Ray-Ban Meta, il a présenté le prototype Orion, que Mark Zuckerberg décrit comme les lunettes de réalité augmentée les plus avancées jamais conçues.

Dans le même temps, Microsoft a cessé la production de son casque de réalité mixte HoloLens 2, tandis que des plates-formes virtuelles comme Decentraland sont régulièrement critiquées pour leur faible nombre d’utilisateurs. Apple a, de son côté, mis en pause la production de son casque Vision Pro, dont les ventes n’ont pas été à la hauteur des attentes. Pourtant, la firme reste présente sur le marché, et de nouveaux produits pourraient voir le jour.

Mais ce constat ne représente qu’une partie de l’histoire. Baidu, Samsung et Snapchat rivalisent d’innovations en réalité augmentée et lunettes connectées, illustrant une industrie toujours très dynamique. On retrouve aussi le géant Google, qui avec Android XR propose un système d’exploitation dédié à la réalité étendue, englobant la réalité virtuelle et augmentée, et permettant des interactions entre objets réels et virtuels.

Quand le métavers trouve sa raison d’être

Malgré une adoption lente, certains cas d’usage de la réalité virtuelle commencent à s’imposer progressivement. Cette technologie se distingue des approches traditionnelles par l’incarnation, qui donne la sensation d’habiter pleinement son avatar ; la présence sociale, qui crée l’impression de réellement interagir avec d’autres personnes ; et la non-médiation, qui efface la perception du média en tant qu’intermédiaire. Ces trois caractéristiques transcendent les outils traditionnels pour offrir une expérience plus réaliste et stimulante, ouvrant la voie à des usages novateurs et efficaces.

Dans l’éducation, la réalité virtuelle facilite les formations pratiques dans des environnements sécurisés. Dans l’industrie, le métavers industriel et les jumeaux numériques permettent d’optimiser les processus de maintenance. Les designers peuvent concevoir de bout en bout en réalité virtuelle et sur des modèles tridimensionnels (par exemple avec Gravity Sketch), sans passer par des représentations en deux dimensions ni des prototypes physiques. Enfin, le secteur culturel bénéficie de la reproduction immersive de sites historiques, comme les grottes de Lascaux permettant d’accéder au patrimoine tout en assurant sa préservation.

Le secteur du jeu vidéo continue de se développer grâce à l’économie des créateurs, où les utilisateurs peuvent concevoir, posséder et monétiser des contenus (terrains virtuels, objets 3D, expériences immersives, vêtements virtuels) de manière transparente et sécurisée via la chaîne de blocs. Les métavers tels que The Sandbox, Somnium Space ou Decentraland ne sont pas des espaces figés mais sont façonnés par leurs utilisateurs/créateurs. Ces derniers peuvent même parfois proposer des idées et voter sur les décisions de la plate-forme via des modèles de gouvernance participative tels que les organisations autonomes décentralisées.

Vers un nouveau Web ?

Le métavers semble engagé dans une transformation qui dépasse la réalité virtuelle et les espaces immersifs. Toute technologie qui contribue à transcender la platitude de nos écrans ou à enrichir le réel s’inscrit dans cette transformation. Nos interactions actuelles sur le Web sont souvent perçues comme utilitaires et monotones, limitées à des formulaires, des boutons et fenêtres rectangulaires, et encombrées par la gestion des cookies et des mots de passe.

C’est dans cette perspective que les lunettes de réalité mixte, les surfaces connectées (par exemple les parebrises enrichis de réalité augmentée de Distance Technologies) et le Web 3D continuent de se développer, transformant notre manière d’interagir avec le numérique et le réel. Les showrooms immersifs d’Amazon Beyond, directement accessibles sur le site de commerce électronique d’Amazon, illustrent cette transition vers des usages plus intuitifs et naturels. Ces espaces de ventes tridimensionnels remplacent les listes classiques par des décors thématiques, mettant en valeur les produits dans des environnements plus attrayants.

Les technologies immersives ont le potentiel de dépasser les limites actuelles du Web en proposant des expériences plus intuitives, émotionnelles et captivantes. Elles ont également le pouvoir d’enrichir le réel. C’est finalement une évolution naturelle : un espace numérique tridimensionnel pour une espèce tridimensionnelle.The Conversation

Charles Perez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.