La France en etat d’urgence
C’est bien ce que devra déclarer à l’Assemblée Nationale, dans son discours de politique générale, notre nouveau premier ministre François Bayrou. La situation du pays est, en effet, extrêmement grave : notre dette extérieure ne cesse pas de croitre et elle nous coute de plus en plus cher, la grande agence américain de notation de la […]
C’est bien ce que devra déclarer à l’Assemblée Nationale, dans son discours de politique générale, notre nouveau premier ministre François Bayrou.
La situation du pays est, en effet, extrêmement grave : notre dette extérieure ne cesse pas de croitre et elle nous coute de plus en plus cher, la grande agence américain de notation de la dette, Moody’s, vient de faire reculer à nouveau d’un cran la note de notre pays, le Fonds Monétaire à Washington s’inquiète de notre sort, et Bruxelles a lancé en juillet 2024 une procédure contre nous pour déficit excessif. Si nous ne voulons pas subir le même sort que la Grèce en 2010, il va nous falloir réduire très sérieusement les dépenses de l’Etat, et l’on sait que, évidemment, cela ne va pas être très populaire.
Une situation grave
On se souvient que Raymond Barre, quand il avait été nommé premier ministre par Valery Giscard d’Estaing, avait déclaré à la télévision, le 22 septembre 1976, en présentant son plan d’action aux Français (le Plan Barre) : « La France vit au-dessus de ses moyens : il faut que nous remettions l’économie française en ordre ». Déjà, donc, en 1976, un premier avertissement avait été lancé aux Français par celui que le Président d’alors avait qualifié de l’un des « meilleurs économistes de France ». Mais cet avertissement n’avait été suivi d’aucun effet si bien que Thierry Breton, en 2005, quand il avait été ministre de l’Economie et des Finances dans le gouvernement Raffarin, avait dû, à son tour, tirer le signal d’alarme, disant aux Français en présentant son Projet de loi : « La France vit au-dessus de ses moyens » ; et il avait rajouté : « La croissance passe par le fait de travailler plus, et plus longtemps ». Mais, à nouveau, cet avertissement était resté inopérant.
On est donc, aujourd’hui, dans une situation extrêmement grave : nous avons les dépenses publiques et sociales les plus élevées de tous les pays développés, d’où des prélèvements obligatoires record qui asphyxient l’économie, le paiement de notre dette est en passe de représenter le plus gros poste du budget de la nation, et la Commission Européenne va peut-être nous faire payer chaque année des amendes pour dépassement du montant autorisé de la dette et du déficit budgétaire. Quand on calcule le montant de notre dette par habitant on voit que son rythme d’évolution est très inquiétant, comme le montre le graphique ci-dessous :
Notre dette, en effet, n’a pas cessé de croitre très régulièrement, chaque année, comme le montre le tableau ci-dessous :
Dette (en % du PIB)
1974………20,0 %
2000………60,0 %
2016…….. 96,0 %
2023…… 110,5 %
Et le FMI prévoit 124,9 %, en 2029.
Les économies à réaliser :
Une récente étude de l’ONU portant sur la croissance des économies des pays dans le long terme a montré que l’économie française était, en Europe, la moins performante. Nous reproduisons, ci-dessous, les résultats de cette étude pour quelques pays, en prolongeant les séries jusqu’en 2021, et en rajoutant le cas d’Israël qui est tout à fait exceptionnel :
PIB/tête (US dollars courants )
1980 2000 2021 Multiplicateur
Israël 6.393 21.990 52.170 8,0
Espagne 6.141 14.556 30.103 4,9
Suisse 18.879 37.937 91.991 4,9
Danemark 13.881 30.734 68.007 4,9
Allemagne 12.091 23.929 51.203 4,2
Pays-Bas 13.794 20.148 57.767 4,2
France 12.669 22.161 40.963 3,2
(Source : ONU, Statistics Division)
Nos dirigeants ne se sont pas aperçus de ce décrochage de notre économie, laissant fondre sans broncher notre secteur industriel. Aussi, ne contribue-t-il plus à la formation du PIB que pour 10 % seulement, alors qu’il s’agit de 23% ou 24 % en Allemagne ou en Suisse : la France est, aujourd’hui, le pays le plus désindustrialisé d’Europe, la Grèce mise à part.
Les prévisionnistes nous indiquent donc que dans les toutes prochaines années notre croissance va être de seulement 1 % par an, ce qui va porter notre PIB à 2.970 milliards d’euros en 2029. En appliquant à ce chiffre le montant des prélèvements obligatoires qui est donné par le site budget.gouv.fr (impôts, cotisations sociales, et taxes fiscales) on en arrive à des rentrées se montant, en 2029, à 1.540 milliards d’euros. Or, nos dépenses s’élèvent déjà à 1.736 milliards d’euros (chiffre de l’année 2023) ; cela signifie qu’il faudrait faire d’ici à 2029, pour autant qu’elles n’augmentent pas, 196 milliards d’économies pour avoir à cet horizon un budget en équilibre. Et si l’on n’avait pour seule ambition que 3 % de déficit par rapport au PIB, il faudrait que les économies s’élèvent néanmoins à 107 milliards d’euros.
Le chiffre de 196 milliards d’économies est bien l’objectif qui est à viser, car à 3 % de déficit on en est encore à s’endetter ! Nos dépenses publiques s’articulent de la façon suivante :
Dépenses publiques (2023) (milliards euros)
Dépenses de fonctionnement…….761 (yc. investissements)
Dépenses sociales………………………975
____________
Total 1.736
Il faudra donc que le premier ministre et le parlement s’entendent pour voir comment répartir les économies à réaliser entre ces deux grands postes de dépenses, étant entendu qu’il ne faudrait pas toucher par principe aux (vraies) dépenses d’investissement. Et avec ces hypothèses on en serait à un taux de dépenses publiques restant, par rapport au PIB, encore supérieur au taux moyen de l’Union Européenne, avec 51,9 % pour nous et 49,4 % pour l’UE. Ceci nous incite donc à penser que c’est bien, là, la voie à suivre, mais on voit que l’effort à consentir va être très important : une quarantaine de milliards d’euros d’économies, en moyenne, par an, d’ici à 2029.
On peut s’étonner de ce qu’Emmanuel Macron ne se soit pas attaqué au grave problème de la réduction de la dette du pays sitôt porté au pouvoir : il avait pourtant été ministre de l’Economie, précédemment ! A lui seul, il aura augmenté l’endettement de la France de 1.000 milliards d’euros, bien plus donc que tous ses prédécesseurs.
Et l’on se souvient qu’Edouard Philippe, qui a dirigé le premier gouvernement Macron, en Mai 2017, avait dit dans sa déclaration de politique générale qu’il avait consulté, pour faire la sienne, les déclarations de ses prédécesseurs, et il avait été flatteur à leur égard, disant : « La France n’a jamais manqué de responsables politiques compétents et souvent d’une exceptionnelle qualité ! ». Certes, mais comment diable, alors, si ces dirigeants ont été des hommes compétents la situation a-t-elle pu se dégrader autant ? C’est, là, une question qui reste à élucider, et il faudra, un jour, tenter de comprendre ce qui s’est passé !