Otages: libérations au compte-gouttes, torrent de débats

La libération au compte-gouttes des otages du Hamas a commencé hier, avec le retour de trois femmes en Israël. Si la société israélienne se réjouit de ces bonnes nouvelles, on s’inquiète déjà par ailleurs de l'accord de cessez-le-feu trouvé avec les Palestiniens : le Hamas, affaibli, pourrait-il finalement se maintenir à Gaza, où toute une partie de la population criait « Mort aux juifs » hier ? Cinq questions à Gil Mihaely, directeur de la publication... L’article Otages: libérations au compte-gouttes, torrent de débats est apparu en premier sur Causeur.

Jan 20, 2025 - 06:02
Otages: libérations au compte-gouttes, torrent de débats

La libération au compte-gouttes des otages du Hamas a commencé hier, avec le retour de trois femmes en Israël. Si la société israélienne se réjouit de ces bonnes nouvelles, on s’inquiète déjà par ailleurs de l’accord de cessez-le-feu trouvé avec les Palestiniens : le Hamas, affaibli, pourrait-il finalement se maintenir à Gaza, où toute une partie de la population criait « Mort aux juifs » hier ? Cinq questions à Gil Mihaely, directeur de la publication.


  • Qui sont les premiers otages libérés par le Hamas, dimanche ? Que sait-on de leur état de santé et de leurs conditions de détention ?

Il s’agit de trois jeunes femmes prises en otage le 7-Octobre. Romi Gonen, 24 ans, a été capturée, blessée, sur le lieu d’une fête à laquelle elle participait. Emily Damari, Israélo-Britannique de 28 ans, et Doron Steinbrecher, infirmière vétérinaire de 31 ans, ont été kidnappées depuis leurs maisons dans le kibboutz de Kfar Aza, pris d’assaut par les terroristes du Hamas.

Pour l’instant, les détails de leurs conditions de détention ne sont pas connus, mais leur état de santé est jugé bon, et elles ont été vues marchant sans assistance.

  • Israël est partagé entre la joie de retrouver les premiers otages et le prix à payer. Comment les médias du pays ont-ils couvert ce “dénouement” de la crise des otages ? À quel pourcentage de la population estime-t-on ceux qui considèrent que cet accord est inacceptable ? Quels sont les arguments des uns et des autres ?

La question des otages a rapidement été politisée. En résumé, les partisans de la majorité s’opposent à l’accord pour deux raisons principales. D’une part, ils estiment que le prix à payer en termes de prisonniers palestiniens libérés par Israël est exorbitant. En effet, les terroristes libérés lors de la guerre du Liban (années 1980) ont largement contribué au déclenchement de la première Intifada en 1987, et à la fondation du Hamas. De plus, parmi les 1 000 prisonniers libérés en échange du soldat Guilad Shalit en 2011 figurait Yahya Sinwar, actuel leader du Hamas à Gaza.

D’autre part, certains, notamment parmi l’électorat de MM. Ben Gvir et Smotrich, souhaitent qu’Israël réoccupe l’intégralité de la bande de Gaza et reconstruise les villages abandonnés lors du retrait israélien de 2005.

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En revanche, la libération des otages, même au prix de l’arrêt de la guerre et de la libération de nombreux prisonniers palestiniens, est une revendication majeure pour ceux qui jugent M. Netanyahou et sa majorité directement responsables des événements du 7-Octobre. Ces critiques réclament sa démission et la création d’une commission d’enquête. Ces divergences se sont manifestées jusqu’au dernier moment au sein du gouvernement, qui a vu le départ de M. Ben Gvir et des ministres de son parti politique, mais aussi dans les médias et, plus largement, au sein de la société israélienne.

  • Est-il exact de dire que l’arrivée imminente de Donald Trump à la Maison-Blanche aux États-Unis a accéléré cet accord de cessez-le-feu ? Si oui, comment ? Quels rapports la nouvelle administration américaine entretiendra-t-elle avec M. Netanyahou ?

Depuis son élection début novembre dernier, et bien avant son entrée à la Maison-Blanche, les acteurs géopolitiques se sont positionnés en anticipation d’un changement radical de politique étrangère américaine attendu sous la nouvelle administration.

Au Moyen-Orient – en Israël comme en Iran, à Gaza comme à Riyad et Doha – on anticipe une plus grande proximité entre Washington et Jérusalem.

Parallèlement, M. Trump a laissé entendre qu’il attend d’Israël qu’il « joue le jeu » et qu’il paie ce soutien en suivant ses consignes. Concrètement, l’envoyé spécial de Trump a exercé une pression peu diplomatique sur Netanyahou pour obtenir les concessions jugées indispensables par les États-Unis afin de conclure l’accord avant la cérémonie d’investiture du nouveau président.

  • Quand les citoyens israéliens peuvent-ils espérer retourner aux urnes ? Après un an et quatre mois de conflit, quels sont les rapports de forces politiques en Israël ? Que devient la réforme de la Justice qui clivait le pays ? D’autres sujets occupent-ils le débat israélien, ou bien le conflit pour la survie face à des voisins turbulents (Hamas, Hezbollah libanais, Iran) occupe-t-il toute la place ?

Les dernières élections ont eu lieu en novembre 2022, et les prochaines sont prévues pour novembre 2026, conformément au calendrier électoral habituel. Malgré le départ de Ben Gvir, le gouvernement de Netanyahou dispose toujours d’une majorité étroite mais solide. Le procès en cours contre le Premier ministre pourrait encore durer plusieurs années, notamment en cas d’appel.

Dans les semaines à venir, le gouvernement devra faire face à des crises majeures : la question du cessez-le-feu au Liban dans une grosse semaine, celle du cessez-le-feu à Gaza peu après, et, bien sûr, le vote du budget, prévu avant début mars. Par ailleurs, la question iranienne reviendra probablement sur le devant de la scène lorsque Trump fixera la stratégie américaine. Malgré ces multiples enjeux, rien ne menace directement la majorité actuelle, et le scénario d’élections anticipées ne semble pas à l’ordre du jour.

  • Des binationaux français figurent parmi les otages. Le Quai d’Orsay exerce-t-il une quelconque influence dans cet épineux dossier ? Au-delà, comment évaluer et apprécier le rôle d’Emmanuel Macron et de la France au Proche-Orient depuis le 7-Octobre ?

Deux otages franco-israéliens, Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon, sont toujours à Gaza et figurent parmi les 33 libérables dans le cadre de la phase actuelle de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Le rôle de la France s’est exprimé sur deux fronts.

D’une part, concernant les otages et leurs familles, la France – du président de la République (et son épouse) jusqu’au personnel de l’ambassade à Tel-Aviv – leur a apporté un soutien constant. La France a participé aux négociations depuis le 7-Octobre, mais il reste difficile de mesurer précisément son apport.

D’autre part, sur le plan diplomatique, Emmanuel Macron a maintenu une ligne relativement cohérente : soutien à une solution à deux États, opposition à la colonisation, critiques régulières envers le gouvernement Netanyahou, tout en veillant à préserver les relations avec les pays et les peuples arabes. Les tensions inhérentes à ce double rôle sont apparues de manière flagrante dans la période récente.

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