Greta n’a plus un mot à dire

Souvent, des ouvrages lançant des alertes à propos de dérives écologistes se bornent à présenter les faux problèmes et l’inanité des politiques engagées. Une fois n’est pas coutume, il y en un qui propose non seulement une critique de l’écologisme, mais aussi un manifeste pour une politique environnementale qui ne cherche pas à faire table […]

Jan 20, 2025 - 09:32
Greta n’a plus un mot à dire

Souvent, des ouvrages lançant des alertes à propos de dérives écologistes se bornent à présenter les faux problèmes et l’inanité des politiques engagées. Une fois n’est pas coutume, il y en un qui propose non seulement une critique de l’écologisme, mais aussi un manifeste pour une politique environnementale qui ne cherche pas à faire table rase de notre histoire, mais qui vise au contraire à la poursuivre dans l’incessante quête de notre liberté. Une fois de plus, il faut donc s’attaquer et vaincre une idéologie qui succède aux pires dérives coercitives que l’humanité ait pu s’inventer.

Il a bien fallu identifier les errements verts et en démontrer les fautes, excès et manquements. C’est ce que fit Jean-Paul Oury dans un premier tome[1], en mettant en exergue les prétentions pseudo-scientifiques de ces mouvements. Cependant, les erreurs de diagnostic et les postures morales ne se transforment pas automatiquement en actions. C’est pourquoi, dans un deuxième tome[2], il a mis en évidence les récupérations politiques de la science, qui toutes relèguent aux oubliettes les plus simples principes démocratiques. Par cinq études de cas, il explique comment climatocratie, covidocratie, biodiversitocratie, collapsocratie ou algorithmocratie pourraient s’imposer à un monde devant agir au seul service de la nature.

Après les critiques, viennent les propositions, ce qui est l’objet de ce troisième tome[3] dans lequel Greta n’a plus sa place puisqu’il s’agit de penser positivement. Et comme il s’agit d’une bataille, son champ doit être bien délimité et ses acteurs connus. Dans cet ouvrage, Oury reste focalisé sur l’instrumentalisation de la science par la politique. Quant aux acteurs, il attribue de manière originale et distrayante cinq nuances de vert aux divers mouvements écolos, ce qui est nécessaire car leurs buts et méthodes ne sont pas les mêmes. L’historien des sciences note cependant que tous récupèrent la « Science » comme objet de justification a posteriori de leurs biais idéologiques. Rappelons qu’il n’est ni un négationniste ni un sceptique qui douterait de tout ; au contraire, il s’efforce de décrire une voie possible qui soit compatible avec son sens de la liberté et de la responsabilité.

Il montre que ce qu’il appelle science de l’ingénieur ou science prométhéenne est porteuse de progrès par l’innovation, mais aussi par la remise en cause de ces innovations. Si des limites lui sont posées, ce sont avant tout des garde-fous qui dressent un cadre pour agir librement tout en prenant ses responsabilités. Il aborde également les excès des adversaires de l’écologisme du collapse et de la décroissance, mais aussi ceux du transhumanisme qui se promet de maîtriser la perpétuation de notre espèce, de tuer la mort en quelque sorte, et d’user de techniques d’augmentation de la personne humaine qui pourraient en modifier l’esprit et la conscience.

Il se fait aussi l’avocat d’une croissance qui, malgré les apparences, n’est ni chaotique ni satanique, mais qui est nécessaire au progrès.

C’est la raison pour laquelle l’argument selon lequel « l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini » n’est pas vraiment un argument contre la science des ingénieurs : il n’y a pas quelque chose comme une croissance infinie, mais plutôt des successions de croissances finies, résultats d’une innovation infinie, qui dans leur ensemble forme un continuum. Cette hypothèse d’un monde fini présuppose que nous en avons une parfaite connaissance, alors qu’il est fait d’inconnues.[4]

Ce qui le préoccupe encore plus, c’est l’apparition de dictatures qui feront fi des libertés fondamentales au prétexte qu’il faut servir une cause plus importante que nous, êtres humains, que ce soit la maîtrise du climat ou de la biodiversité, avec la marche vers la décroissance à la clé. Tout devrait y être subordonné, quoi qu’il en coûte et sans égard pour les individus; l’analogie avec les religions inquisitrices est frappante. C’est pourquoi il suggère de poser et reposer trois questions essentielles aux apprentis dictateurs. Elles concernent le degré de validité des diagnostics et des préconisations pour l’avenir, le choix de la meilleure solution après avoir mis en balance les bénéfices (ou des dégâts évités) avec les coûts et autres souffrances à endurer, et enfin de savoir si l’objectif visé justifie que la vie humaine soit réduite à cette seule cause.

L’ouvrage est agréable à lire et bien documenté ; l’auteur n’étant pas lui-même un scientifique, il ne se perd pas dans des explications techniques, ce qui lui permet de se focaliser sur l’essentiel. Au fil de sa lecture, on comprend qu’il nous présente un écologisme non seulement détestable, mais qui, malgré ses injonctions moralisantes et ses appels à des valeurs « de la Nature », revêt aussi les atours du scientisme et du matérialisme. Fondus dans un programme politique dirigiste et absolu, à l’orée d’un nouveau totalitarisme, ceux-ci visent à imposer une vision du monde qui nie la liberté humaine et ne s’appuie sur la technologie que pour contrôler les individus.

Dans son manifeste pour une politique scientifique (ce que je comprends comme une politique de la relation avec l’environnement fondée sur des méthodes et des lois scientifiques réfutables), Oury développe des propositions alternatives à l’écologisme et au transhumanisme. Il prêche avec justesse l’utilisation du sens critique et l’exercice de toutes les libertés fondamentales, matées cependant par le sens de la responsabilité. Il montre qu’il est nécessaire de s’engager dans cette lutte contre les idéologies vertes coercitives et sans nuances.

Voilà donc un ouvrage stimulant, non seulement par la finesse de ses analyses, mais aussi par les éclairages utiles qu’il apporte. S’il faut formuler une critique, c’est pour souhaiter qu’un quatrième tome lui fasse suite et traite de ce qui n’est pas abordé dans celui-ci. Fondé sur les principes de son manifeste pour une politique scientifique, il s’agirait d’en préciser les termes stratégiques et pratiques. Par exemple, les limites de tolérance pour la santé humaine et celle des écosystèmes que notre société doit accepter face aux inévitables atteintes à l’environnement, ou la médiation entre externalités négatives causées par les actions humaines et les nécessités vitales et spirituelles liées au déroulement d’une bonne vie sur Terre. Il pourrait ainsi venir en aide aux politiciens actuellement incapables de répondre aux trois questions qu’il pose.

Achetez le livre

 


[1] Jean-Paul Oury, Greta a tué Einstein – La science sacrifiée sur l’autel de l’écologisme. V.A. Éditions, 2020

[2] Jean-Paul Oury, Greta a ressuscité Einstein – La science entre les mains d’apprentis dictateurs. V.A. Éditions, 2022

[3] Jean-Paul Oury, De Gaïa à l’IA – Pour une science libérée de l’écologisme. V.A. Éditions, 2024

[4] Ibid, p. 123