Près d’un Français sur deux peine à comprendre et à utiliser les informations de santé

Si vous vous êtes déjà senti confus face à des explications concernant votre santé, sachez que vous n’êtes pas seul : c’est le cas de 44 % des Français. Ce qui n’est pas sans conséquence.

Jan 14, 2025 - 15:22
Près d’un Français sur deux peine à comprendre et à utiliser les informations de santé

L’étude Health Literacy Survey (HLS 2020-2021), première du genre en France révèle que 44 % des adultes en France ont des difficultés à accéder, comprendre, évaluer et utiliser les informations de santé. Cette enquête souligne également que ces difficultés pourraient avoir un impact négatif sur les comportements et l’état de santé des personnes concernées.


Vous vous êtes peut-être déjà senti perdu face à des informations en lien avec votre santé, qu’il s’agisse de comprendre comment vous protéger d’une maladie donnée, utiliser le système de santé, ou utiliser les outils numériques, entre autres. Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas seul dans ce cas. En effet, un Français sur deux éprouve de telles difficultés.

C’est ce que révèle une enquête internationale sur la « littératie en santé », concept qui recouvre les connaissances, compétences, motivation et capacité d’un individu à accéder, comprendre, évaluer et utiliser des informations de santé afin de prendre des décisions pour promouvoir sa santé.

Un problème qui n’est pas propre à la France, puisqu’on le retrouve également dans les 16 autres pays européens qui ont participé à cette enquête. Penchons-nous plus en détail sur les difficultés rencontrées par les Français mises en exergue par ces travaux, auxquels nous avons participé.

Un constat préoccupant

L’enquête en ligne a été menée en deux vagues (mai 2020 et janvier 2021) auprès de plus de 2000 adultes âgés de 18 à 75 ans résidant en France métropolitaine. Ces travaux nous ont non seulement permis de dresser l’état des lieux de la littératie en santé dans notre pays, mais aussi d’explorer certaines thématiques spécifiques, comme la navigation dans le système de santé, la littératie numérique et la communication avec les médecins. Nos résultats mettent en évidence plusieurs points clefs.

Tout d’abord, près de la moitié des Français éprouvent des difficultés pour s’approprier l’information sur les sujets de santé. Par exemple 40 % estiment qu’il est difficile de savoir comment se protéger des maladies à partir des informations disponibles dans les médias.

Autre enseignement : les trois quarts des Français éprouvent des difficultés à naviguer dans le système de santé (c’est-à-dire à mobiliser les informations sur son fonctionnement et son organisation). Par exemple, plus des deux tiers des utilisateurs du système de santé déclarent avoir du mal à se défendre si des soins ne répondent pas à leurs attentes, ou ont des difficultés à comprendre les réformes du système de santé.


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Près des trois quarts des Français ont par ailleurs des difficultés à utiliser les outils numériques en santé. Par exemple, près des deux tiers des personnes interrogées ont du mal à évaluer la pertinence et la fiabilité des informations en ligne, et 69 % peinent à détecter les intérêts commerciaux cachés derrière ces informations. Enfin plus de 50 % des personnes interrogées trouvent difficile d’utiliser les informations recherchées sur Internet pour résoudre un problème de santé.

En revanche, la communication avec les médecins pose moins de problèmes, puisque moins d’un tiers des enquêtés signalent des difficultés dans ce domaine.

Des inégalités sociales marquées

L’étude révèle de plus fréquentes difficultés chez les répondants atteints de maladies chroniques, ainsi qu’un gradient social de la littératie en santé : les Français en situation socio-économique plus défavorable sont plus susceptibles de rencontrer des difficultés.

À ce propos, il est intéressant de souligner que la différence de niveaux de littératie en santé en fonction du statut social perçu est plus marquée en France que dans les autres pays ayant participé à l’étude.

Autre constat : un bon niveau de littératie en santé est généralement associé à des comportements de santé plus favorables et à un sentiment d’être en meilleure santé.

Notre enquête a par exemple permis d’établir un lien entre littératie en santé et activité physique ou consommation de fruits et légumes. Plus le niveau de littératie en santé augmente, plus la probabilité de pratiquer une activité physique régulière et de consommer des fruits et légumes tous les jours augmente.

Ces résultats ne permettent pas d’établir de liens de cause à effet, mais ils invitent à prendre en considération les besoins individuels des usagers ou des groupes de population plus fragiles sur le plan de la littératie en santé.

Ils mettent en lumière l’importance de prendre en compte les inégalités sociales dans l’élaboration des politiques de santé. Cela passe par le développement de dispositifs de soins, d’éducation et de promotion de la santé plus équitables et mieux adaptés aux compétences de la population. En parallèle, le développement des compétences doit cibler en priorité les difficultés déclarées.

Cette enquête sera reconduite en 2025, le SESSTIM et Santé publique France poursuivant leur partenariat, et une vingtaine de pays s’y engageant parallèlement. D’autres aspects de la littératie en santé seront explorés, par exemple le traitement de l’information sur la vaccination ou encore sur la santé mentale.

Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un projet d’envergure porté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)-Bureau régional pour l’Europe visant à améliorer la littératie en santé des populations, ainsi qu’à rendre nos organisations de santé plus compétentes.


Pour en savoir plus :

- Le Réseau francophone de littératie en santé Réflis est le premier réseau francophone de chercheurs dédié à la littératie en santé. C’est un espace d’échanges et de circulation d’idées qui réunit des chercheurs de disciplines variées, tous investis sur la littératie en santé et le rôle qu’elle peut jouer sur les inégalités sociales de santé.The Conversation

Mancini Julien a reçu des financements multiples, publics et associatifs, pour conduire des travaux de recherche (Institut National du cancer, Santé Publique France, Ligue contre le cancer, etc.).

Cécile Allaire, Géraldine Cazorla et Rajae Touzani ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.