Le cercle vicieux de l’effondrement de la justice en France
Voyons, tout le monde sait que la justice en France n’est absolument pas laxiste ! La France n’est pas un coupe-gorge ! Ces colonnes sont l’occasion de parfois revenir sur l’un ou l’autre fait divers sordide qui illustre, à chaque fois, un décalage assez patent entre ce qu’on peut attendre de la Justice et ce qu’on voit […]
Voyons, tout le monde sait que la justice en France n’est absolument pas laxiste ! La France n’est pas un coupe-gorge !
Ces colonnes sont l’occasion de parfois revenir sur l’un ou l’autre fait divers sordide qui illustre, à chaque fois, un décalage assez patent entre ce qu’on peut attendre de la Justice et ce qu’on voit de son application en France. Les écarts sont grands, et semblent s’agrandir chaque année un peu plus.
Une semaine typique en France
Cette semaine, on pourrait sans mal trouver plusieurs affaires dont le dénouement judiciaire laisse plus que perplexe.
Par exemple, on pourrait évoquer le cas de cette jeune fille, tuée d’un coup de couteau par un jeune de 16 ans à l’époque des faits. Ce dernier sera condamné pour 10 ans, le meurtre n’ayant pas été retenu, au contraire de la minorité du prévenu. Le prévenu comparaissait d’ailleurs libre, ayant déjà exécuté une bonne partie de sa peine. La peine maximale prévue dans ce genre d’affaire et compte-tenu de l’âge du coupable est de 20 ans, et le procureur en demandait 18.
La cour a été fort clémente.
On pourrait mentionner le cas de Jérôme Warmel, décédé à la suite d’un coup reçu par un autre mineur de 17 ans au moment des faits. Ce dernier, jugé par la cour d’assises des mineurs de Saint-Omer pour violence volontaire ayant entraîné la mort, sans intention de la donner, sera finalement acquitté. Les sept ans de procédures (alors que tous les protagonistes étaient identifiés dès les heures suivant le décès) ont largement aidé à rendre confuse et complexe une affaire qui ne l’était pas. Les plaidoiries et les tergiversations ont amplement bénéficié à celui qui a porté le coup fatal et ont permis de transformer une relation évidente de cause à effet en tétracapillectomie de haut vol.
Le parquet a fait appel, mais ne retenez pas votre souffle.
Une justice mesurablement laxiste
En réalité, ces deux exemples ne sont pas des particularités. Eh non, ce ne sont pas des aberrations d’un système qui marcherait sinon plutôt bien, mais sont des cas d’espèce assez illustratif de la réalité de la justice en France actuellement. Et si cette affirmation pouvait encore, jusqu’à dernièrement, faire l’objet de débat, elle ne l’est plus depuis que l’Institut pour la Justice a mené un travail statistique particulièrement détaillé (qu’on peut lire ici) pour déterminer effectivement le différentiel entre ce que prévoit la loi et ce qui est jugé, entre la peine jugée et la peine effectivement appliquée.
L’écart est dramatique et peut être illustré par le graphique suivant (cliquez sur l’image pour l’agrandir) :
En reprenant infraction par infraction, crime par crime, les jugements rendus et les peines effectuées, l’Institut a établi un état des lieux consternant de la justice en France en concluant essentiellement à une véritable phobie de l’incarcération : non seulement, la justice est laxiste, mais elle fait idéologiquement et pratiquement tout ce qu’elle peut pour que les racailles, les crevures et les psychopathes ne soient pas convenablement enfermés.
L’idée de tenir les personnes dangereuses à l’écart de la société n’est plus à l’ordre du jour : pour la grande majorité des délits (plus de 90%), les peines de prison ferme sont une minorité des peines prononcées par les tribunaux. Elles sont même une ultra-minorité (moins d’un cinquième des sanctions prononcées) pour 40% des délits.
Pire, dans la minorité des cas où une peine de prison ferme a été décidée, sa durée moyenne étant inférieure à 1 an dans les trois-quarts des condamnations… le prévenu ne voit même pas les murs d’une cellule.
Le pompon est atteint avec les peines prononcées pour « non-exécution d’une obligation judiciaire », qui concernent les délinquants qui ont déjà échappé à la prison et qui ne remplissent pas leurs obligations : pour ceux-là, la justice prévoit 4 mois de prison dont 96% sont aménageables. Soit, en pratique, rien du tout.
Le cercle vicieux laxisme/surpopulation carcérale
De surcroît, deux phénomènes entrent en collision pour accroître le problème constaté.
D’un côté, après des années à répéter niaisement qu’ouvrir des écoles permettrait de fermer des prisons (cela n’a jamais été vrai nulle part, mais les gauchistes aiment le romantisme facile d’une histoire largement fantasmée), les élus de la République trop bienveillante croient maintenant mordicus qu’ouvrir des prisons serait fermer des écoles et faire outrage à la société. Au bilan, on manque cruellement de cellules à tel point que les constructions récentes peinent à compenser les fermetures des plus vieux établissements, largement hors d’âge et pour beaucoup carrément insalubres. C’est un déficit criant qu’on estime à au moins 25.000 cellules, et le double serait probablement plus adapté compte tenu du laxisme actuel décrit ci-dessus.
Ce déficit et la surpopulation carcérale (autour de 124% d’occupation réelle des prisons en 2024) pousse – sans mal – des juges à limiter les peines, multipliant le recours au sursis, aux mesures d’aménagement, aux libérations conditionnelles et autres bricolages pour simplement camoufler le laxisme dont une bonne partie s’explique surtout par une forte tendance à gauche de toute la magistrature : outre les travaux du politologue Luc Rouban ou ceux de Philippe Zarch, ancien magistrat et sociologue qui montrent assez clairement le biais à gauche des juges français, la magistrature française est imprégnée, dès sa formation, d’idées progressistes que la réalité ne corrobore pas ; quant à son orientation syndicale, là aussi largement à gauche voire à l’extrême-gauche, elle ne fait plus de doute depuis des années et participe de l’ambiance générale qui voit la prison comme le dernier des recours au point de ne presque plus l’utiliser…
Des conséquences dramatiques
Ce cercle vicieux entraîne deux phénomènes, déjà décrits dans ces colonnes et ailleurs.
Le premier phénomène est que ceux qui mériteraient d’être à l’écart de la société ne le sont pas : ils continuent donc leurs méfaits, encore et encore. Alors qu’on estime que 5% à 6% des individus d’une population commettent plus de 50% des crimes, et que les enfermer ferait donc instantanément disparaître la moitié des problèmes que les honnêtes citoyens rencontrent quotidiennement, les politiciens font assaut d’inventivité pour utiliser à n’importe quelle futilité les fonds initialement prévus pour les prisons, pendant que les magistrats utilisent cette excuse pour laisser toujours plus de crapules en liberté.
Crapules qui multiplient les problèmes, engorgent les tribunaux, justifiant des traitements de plus en plus complexes, donc des erreurs de procédures qui les remettent en liberté aussi rapidement, donc des récidives, etc.
Ceci coûte de plus en plus cher à tout le monde, et transforme une société relativement saine en conflit permanent de tous contre tous, la confiance s’évaporant rapidement.
Le second phénomène est que ce coût se traduit par des impôts, taxes et ponctions toujours plus gros, en regard d’un service toujours plus faible. Inévitablement, le citoyen se sent floué à deux titres : non seulement, la justice française lui coûte cher, mais elle n’est pas rendue à la hauteur du minimum qu’il attend.
Dès lors, l’idée de faire justice soi-même apparaît de plus en plus, ce qui mine encore un peu plus l’ambiance générale et pousse encore plus loin la société de défiance qui s’installe alors.
Ceci ne peut pas bien se terminer.