La mort d’Elias et le déni des cultures

La délinquance, et ce que certains appellent l'ensauvagement ne s'expliquent pas seulement par des facteurs juridiques ou socio-économiques. Il faut aussi tenir compte des influences culturelles qui façonnent la perception des "autres". Certains groupes peuvent parfois tolérer, voire encourager, des comportements agressifs envers ceux qui ne font pas partie de leur communauté... L’article La mort d’Elias et le déni des cultures est apparu en premier sur Causeur.

Fév 6, 2025 - 19:06
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La mort d’Elias et le déni des cultures

La délinquance, et ce que certains appellent l’ensauvagement de la société, ne s’expliquent pas seulement par des facteurs juridiques ou socio-économiques. Il faut aussi tenir compte des influences culturelles qui façonnent la perception des « autres ». Certains groupes peuvent parfois tolérer, voire encourager, des comportements agressifs envers ceux qui ne font pas partie de leur communauté.


La mort d’Elias, adolescent de 14 ans tué pour un portable par un multirécidiviste connu pour sa violence1, a une fois de plus remis dans le débat public la question de la délinquance, notamment des mineurs et tout spécialement sous le double aspect de l’efficacité discutable de la réponse pénale d’une part, et d’autre part du lien – que certains affirment et que d’autres nient farouchement – entre immigration et délinquance. Mais, un troisième aspect est encore passé sous silence par presque tous les intervenants, alors qu’il est crucial : on ne peut pas lutter efficacement contre des razzias si on s’obstine à les confondre avec la délinquance classique. Ou si vous préférez : Surcouf était un corsaire, et ce n’est pas la même chose qu’un pirate.

Déterminismes

Je ne m’étendrai pas ici sur la question de la réponse pénale, et me contenterai de citer le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau : « La justice des mineurs en France est un véritable fiasco ! » Notons que dans ses déclarations, le ministre reprend nombre d’excellentes idées développées par le docteur Maurice Berger, et notamment celle de « butée » : voilà une lucidité bienvenue. Pour approfondir, je renvoie notamment le lecteur aux études de l’Institut pour la Justice2, et bien sûr aux articles du collectif « Au nom du peuple »3.

En ce qui concerne le lien entre immigration et délinquance, rappelons avant tout qu’il est question de tendances générales, et non d’un déterminisme selon lequel toute personne de telle ou telle origine serait nécessairement un délinquant – idée absurde que personne ne défend, mais que la gauche attribue volontiers à ceux qui osent voir ce qu’ils voient. Tous les gens sérieux savent bien que les réalités statistiques n’abolissent pas le libre-arbitre des individus, et tous les gens sérieux savent aussi que la réalité du libre-arbitre individuel ne doit pas servir d’excuse pour refuser de voir les grandes tendances.

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Là encore, mon propos n’est pas de revenir sur ce qui a été déjà souvent traité, du livre d’Hugues Lagrange Le déni des cultures aux synthèses indispensables de Marc Vanguard4, en passant par les études toujours remarquables de l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie5 et les travaux du docteur Berger sur les cultures de la honte et les cultures de la culpabilité. La sur-représentation statistique de certaines immigrations extra-européennes dans les crimes et délits, dans toute l’Europe occidentale, y compris une fois écarté le facteur socio-économique, est une observation factuelle parfaitement documentée. Et insistons : il s’agit de certaines immigrations, et non de « l’immigration ». Ainsi, statistiquement, les personnes issues de cultures confucéennes (Chine, Japon, Viêt-Nam, Corée….) s’intègrent aisément dans les sociétés occidentales, n’y caillassent pas les pompiers, et y réussissent très bien socialement, mieux même que les Occidentaux « de souche ».

Il convient cependant de compléter ces constats et ces analyses en attirant l’attention sur la distinction trop souvent oubliée, alors qu’elle est présente dans toutes les cultures, entre la délinquance au sein d’un groupe humain, et les comportements prédateurs auxquels peuvent se livrer les membres de ce groupe au détriment de personnes qui n’en font pas partie.

On parle normalement de délinquance lorsque des membres d’une société violent ses règles pour se livrer à la prédation au détriment d’autres membres de la société en question. Quand Robert Surcouf attaquait des bateaux anglais pour servir les intérêts de la France, ce n’était pas de la délinquance, alors que ça en aurait été s’il avait attaqué des bateaux français, ou si un bandit anglais avait attaqué des navires anglais : c’est toute la différence entre un corsaire et un pirate.

Les groupes humains, quels qu’ils soient, distinguent le comportement que leurs membres doivent adopter entre eux du comportement qu’ils doivent adopter vis-à-vis de ceux qui ne font pas partie du groupe. C’est, par exemple, le sens de la notion de citoyenneté : les citoyens ont les uns envers les autres des devoirs de solidarité qu’ils n’ont pas envers les non-citoyens.

Violence et archipellisation

Pour le sujet qui nous occupe, il se trouve que certaines sociétés humaines condamnent les comportements de prédation (meurtres, viols, mutilations, vols, destructions de biens, etc) non seulement entre membres de cette société, mais aussi quand ils ont pour victimes des personnes étrangères à celle-ci. D’autres sociétés condamnent ces comportements en interne, mais les tolèrent (plus ou moins ouvertement) lorsque les victimes leur sont extérieures. Et d’autres encore condamnent ces comportements en interne, mais les encouragent lorsqu’ils se font au détriment de personnes extérieures au groupe (ou du moins au détriment de certaines cibles précises, désignées comme des proies légitimes, souvent sur des bases « raciales » ou religieuses) – en particulier lorsque cette prédation permet un « ruissellement » du butin, détourne vers l’extérieur une agressivité que le groupe peinerait à gérer en interne, ou se transforme en levier de pouvoir politique.

En plein IXème siècle en Scandinavie, si un viking assassinait un membre de son propre clan pour le voler, c’était de la délinquance, et l’assassin était jugé et sévèrement condamné. Mais ce n’était pas du tout la même histoire si ce viking, participant à un raid dans le royaume du Wessex, tuait un moine saxon en pillant son abbaye ! De même, si un moine du Wessex était assassiné par un paysan saxon du village voisin voulant lui voler son crucifix, ce n’était pas du tout la même chose que si ce moine était tué par une bande de vikings lors d’un raid. Jamais le roi Aelfred le Grand n’aurait songé à répondre aux incursions vikings en se disant « décidément, les paysans saxons sont de plus en plus violents » – ce qu’il se serait dit, en revanche, s’il avait constaté que de plus en plus de moines se faisaient agresser par ses propres sujets.

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Le point clef, c’est que Thorstein le viking, qui a tué Ecbert le moine lors du pillage de l’abbaye de Runcwuda, n’était probablement pas une brute sanguinaire incapable de contrôler ses pulsions, mais plutôt un homme ayant reçu une bonne éducation selon les coutumes des vikings, un homme respectueux des lois de son peuple et des décisions de son jarl, à qui il ne serait jamais venu à l’idée d’assassiner, de violer ou de voler quelqu’un de son clan. Thorstein n’a pas manqué d’autorité parentale, ni échoué à intérioriser la notion de norme, ni souffert de la pauvreté, et ses grands-parents n’avaient pas pour slogans « il est interdit d’interdire » ou « ni Ases ni maître ». Pourtant Thorstein a tué Ecbert, pillé son abbaye et ravagé le village voisin. Et si le roi Aelfred veut empêcher Thorstein et ses compagnons vikings de revenir tuer d’autres moines, piller d’autres abbayes et ravager d’autres villages, il va devoir s’y prendre autrement qu’en incitant ses sujets saxons à déposer les armes, ou en se lamentant sur « la violence des jeunes » sans faire la différence entre les jeunes paysans du Wessex et les jeunes guerriers de Scandinavie.

Alors bien sûr, tous les Danois ne rêvent pas de tuer des moines et de brûler des abbayes. Hier comme aujourd’hui, les généralités statistiques et les grandes tendances anthropologiques ne sont pas des déterminismes absolus qui suffiraient à condamner tous les individus de telle ou telle origine, de telle ou telle société, de tel ou tel groupe. Et heureusement ! Il n’en demeure pas moins que la distinction entre « les nôtres » et « les autres » est une composante essentielle de toutes les cultures humaines, que toutes les cultures ne gèrent pas du tout cette distinction de la même manière, et que cela a des conséquences partout où plusieurs cultures différentes se côtoient.

Évidemment, la distinction culturelle entre « ce que l’on peut faire aux nôtres » et « ce que l’on peut faire aux autres » n’est que l’un des multiples aspects des comportements délictuels et criminels. Je la crois cependant essentielle, à un moment où l’archipellisation des sociétés de l’ex-« bloc de l’Ouest », toutes devenues de facto multiculturelles, est de plus en plus marquée. On peut évoquer le racisme anti-Blancs à Crépol. Ou la déshumanisation totale des femmes non-musulmanes par les « grooming gangs » pakistanais en Grande-Bretagne (victimes non-musulmanes, et pas seulement Blanches : rappelons que les fillettes de la communauté Sikh faisaient aussi partie des cibles initiales de ces gangs de violeurs, mais que les Sikhs, eux, ont su s’organiser pour protéger leurs enfants). Ou, bien évidemment, l’explosion des actes antisémites depuis le 7-Octobre 2023. Penser les manières très variables dont les différentes cultures présentes sur notre sol reconnaissent – ou non – la dignité et les droits de ceux qui ne sont pas « les leurs », est un facteur qu’il n’est plus possible d’ignorer si l’on veut comprendre et combattre efficacement les comportements prédateurs couramment regroupés sous le terme de « délinquance ».

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  1. https://www.lefigaro.fr/actualite-france/meurtre-d-elias-le-parcours-judiciaire-edifiant-des-agresseurs-20250129 ↩
  2. https://www.institutpourlajustice.org/a-propos/ ↩
  3. https://www.causeur.fr/author/au-nom-du-peuple ↩
  4. https://x.com/marc_vanguard/status/1883155488575197316 ↩
  5. https://observatoire-immigration.fr ↩

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