Ce théâtre à la française construit comme salle privée d’un ancien château est le terrain de jeu idéal des plus grands classiques
Cyrano de Bergerac, Le Médecin Malgré Lui, Le Cid ou encore Le Mariage de Figaro… peu de théâtres à Paris peuvent se vanter d’avoir une programmation aussi riche de grands classiques. Pour profiter pleinement des mots et scènes imaginés par Molière ou Corneille, il faut se rendre dans le 16ème arrondissement non loin de la […]
Cyrano de Bergerac, Le Médecin Malgré Lui, Le Cid ou encore Le Mariage de Figaro… peu de théâtres à Paris peuvent se vanter d’avoir une programmation aussi riche de grands classiques. Pour profiter pleinement des mots et scènes imaginés par Molière ou Corneille, il faut se rendre dans le 16ème arrondissement non loin de la Maison de la Radio, dans un théâtre baigné depuis toujours par l’amour de l’art et des belles choses…
Le plaisir coupable d’un mécène et célèbre mondain
Avant les grandes représentations, l’histoire de ce lieu est avant tout celle d’un somptueux château. C’est en plein règne de Louis XV, que le Fermier général, collectionneur, mécène et écrivain sous le règne de Louis XV, Alexandre Jean Joseph Le Riche de La Popelinière possède un domaine du nom de Boulainvilliers, qui comprend un château et des terrain situés sur l’actuelle commune de Passy (16ème arrondissement). En 1755, le grand mondain connu pour ses dîners extravagants et ses expositions artistiques décide de faire construire un théâtre privé à l’extrémité de l’allée de son château. En parfait mécène éclairé, il rassemble autour de lui tout un collectif d’artistes et d’intellectuels, parmi lesquels figurent de grands noms tels que Voltaire, Quentin de La Tour, Van Loo, Stamitz ou encore Rameau. En tant que locataire du domaine, son résident n’était normalement même pas autorisé à faire des constructions, mais cela ne l’a pas empêché d’ajouter le théâtre pour ses soirées très fréquentées. Selon l’historien Marmontel, les pièces jouées n’étaient pas exceptionnelles, mais pas assez mauvaises pour ne pas être applaudies. Comme les événements et pièces étaient souvent suivis de grands dîners et que les plus belles femmes et les plus grands penseurs de Paris y assistaient, ainsi que les plus grands de la noblesse, ces soirées étaient plutôt bien fréquentées, malgré la médiocrité du divertissement.
Un joyau du XIXe siècle parfaitement préservé
Épargnés par la Révolution, le château et le parc de Passy sont toutefois revendus à des spéculateurs, et le faste des soirées passées laissent souvent place à l’abandon. De ce terrain fragmenté en parcelles, un célèbre constructeur automobile du nom de Louis Mors acquiert une large partie pour faire construire en 1894 un théâtre à l’emplacement du salon de musique de La Pouplinière : le théâtre Le Ranelagh. Ce passionné de musique favorise alors l’émergence des esthétiques musicales du début du XIXe et du XXe siècles en programmant des artistes comme Bizet, Terrasse ou Wagner. Signé d’Alban Chambon, auteur du célèbre Hôtel Métropole de Bruxelles et de nombreux théâtres en Europe, le salon de musique en chêne sculpté de style néo-Renaissance flamande est inauguré le 14 mai 1895 par le chef d’orchestre Monsieur Maton, avec l’opéra comique en un acte de Casimir Girard, L’Épreuve suisse. Sur le fronton de la porte donnant accès à la salle, Mors fait inscrire en latin la maxime “Mihi amicisque meis”. Encore présente de nos jours, celle-ci indique la destination des récitals qu’il y organise en présence de Claude Debussy, tout en y présentant sa collection d’instruments de musique anciens. Une inscription qui survit donc à son propriétaire, tout comme le théâtre, miraculeusement sauvegardé parmi la construction des immeubles actuels.
Un établissement unique pour une programmation magique
Entièrement en bois de chêne sculpté et tel qu’il était il a plus de cent ans, il s’agit de l’un des rares théâtres à la française de la capitale. Un joyau unique du patrimoine parisien reconnu à juste titre, puisque la salle et son décor ont été inscrits aux monuments historiques par un arrêté du 6 octobre 1977. Utilisé comme un music-hall extravagant accueillant des opéras et des orchestres jusqu’à la mort de Mors en 1917, le Ranelagh est ensuite devenu un cinéma dans les années 30, fréquenté par des personnalités comme Gérard Philippe ou Marcel Carné, avant de se diversifier : théâtre, cinéma, expositions, et même cirque sous la direction de Madonna Bouglione. Aujourd’hui, ce site culturel historique prend le pari de proposer des chefs-d’œuvre du répertoire, tels que L’Avare de Molière, Ruy Blas de Victor Hugo, Le Cid de Corneille, le célèbre triangle amoureux Cyrano de Bergerac ou encore Le Portrait de Dorian Gray, l’unique roman d’Oscar Wilde enfin porté à la scène. Un véritable voyage dans le temps sublimé par une salle riche de 300 places, au caractère intact, à l’image des boiseries en chêne sculpté qui garnissent l’orchestre et les balcons, surmontés d’un plafond décoré de caissons peints.
Théâtre Le Ranelagh
5 rue des vignes
75116 Paris
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Image à la une : Théâtre Le Ranelagh © Théâtre Le Ranelagh