Du wokisme comme bien-pensance et déni généralisé: l’affaire Karla Sofía Gascón
Non seulement Karla Sofía Gascón, l’interprète d’"Emilia Pérez", le film de Jacques Audiard, est rayée de la liste des oscarisables, mais Netflix se désolidarise de l’acteur / trice, et le réalisateur ne veut plus lui parler — de peur sans doute qu’elle emporte le film dans sa déchéance personnelle. Pour avoir dit son sentiment sur le début de « submersion » de l’Espagne par les immigrés, et malgré son Prix d’interprétation à Cannes en mai dernier, elle est chargée de tous les péchés d’Israël, et définitivement rejetée par la profession et tous les vecteurs culturels du wokisme. Trump, qui prétend sonner la fin de la dictature wokiste, a du boulot devant lui... L’article Du wokisme comme bien-pensance et déni généralisé: l’affaire Karla Sofía Gascón est apparu en premier sur Causeur.
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Non seulement Karla Sofía Gascón, l’interprète d’Emilia Pérez, le film de Jacques Audiard, est rayée de la liste des oscarisables, mais Netflix se désolidarise de l’acteur / trice, et le réalisateur ne veut plus lui parler — de peur sans doute qu’elle emporte le film dans sa déchéance personnelle. Pour avoir dit son sentiment sur le début de « submersion » de l’Espagne par les immigrés, et malgré son Prix d’interprétation à Cannes en mai dernier, elle est chargée de tous les péchés d’Israël, et définitivement rejetée par la profession et tous les vecteurs culturels du wokisme. Trump, qui prétend sonner la fin de la dictature wokiste, a du boulot devant lui.
Quelle est la teneur exacte des tweets supposément monstrueux qui valent à Karla Sofía Gascón d’être mise au ban de la profession ? Les voici, mis bout à bout :
« Combien de fois encore l’histoire devra-t-elle expulser les Maures d’Espagne… Nous n’avons toujours pas compris ce que signifie cette menace civilisationnelle qui s’en prend constamment à la liberté et à la souveraineté de l’individu. Il ne s’agit pas de racisme, il s’agit d’islam… Chaque fois que je vais chercher ma fille à l’école, il y a de plus en plus de femmes voilées avec des jupes qui descendent jusqu’aux talons. Peut-être que l’année prochaine au lieu de l’anglais nous devrons enseigner l’arabe. »
Minorités et bienveillance
Et voilà qui suffit pour que les amateurs de déni, les fortiches de la bien-pensance, les thuriféraires de Big Brother — qui est définitivement de gauche, vous l’avez sans doute remarqué —, qui l’instant d’avant soutenaient bec et ongles la première « nominée » transgenre, la rejettent dans les catacombes puantes du racisme version bobo.
Il faut pourtant bien admettre que nous sommes un bon nombre, en France, à pouvoir dire et écrire la même chose. La submersion n’est pas un sentiment — sauf pour les Parisiens qui par définition n’habitent pas Marseille, ni Lyon, ni Grenoble, ni Nantes, ni… Et qui ne connaissent de la France que ce que leur en racontent Le Monde, Libé et Médiapart.
J’en déduis un fait troublant : il y a une hiérarchie dans les minorités qui doivent monopoliser notre bienveillance, nos subsides et notre sentiment de culpabilité — trois éléments qui ne font pas partie de mon patrimoine.
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On connaît le principe de l’intersectionnalité des luttes, ce beau principe au nom duquel une femme tripotée il y a trente ans par un Castelroussin peut porter plainte pour viol, mais pas si elle est violée aujourd’hui par un immigré, car elle doit tenir compte des « différences culturelles ». Ce beau principe au nom duquel des féministes défendent le port de la burka en France et condamnent le voile en Iran.
Ce n’est pas un principe horizontal, structuré comme un rhizome. C’est un principe pyramidal. Défendre les LGBT ou les transgenres c’est bien, sauf si l’un d’eux attaque les damnés de la Terre — migrants nigérians illégaux, Pakistanais du VIIe siècle égarés dans le nôtre, Algériens bourreaux d’écrivains — et de leur propre peuple.
En bas, tous ceux qui sont malmenés par le patriarcat qui, comme nous le savons, contrôle tout dans ce pays — sauf l’institution judiciaire, manifestement, qui condamne des réalisateurs sur des on-dit, sans preuve et au mépris de la présomption d’innocence : le Syndicat de la Magistrature fait du bon boulot. Au milieu, les « éveillés », qui se sont retournés contre leur propre culture, et décident qu’il faut dorénavant interdire Voltaire ou Montesquieu sous prétexte qu’ils s’opposent à l’esclavage en utilisant le mot « nègre » — comme tous les écrivains de leur temps. En haut, tout en haut, les peuples qui ont souffert de la traite Atlantique et de la « colonisation » — bouh, que c’est mal…
Effacement à la carte
Rappelez-vous la « loi Taubira », votée à l’unanimité des 81 députés présents, les autres ayant soudain succombé au désir de fréquenter la buvette ou les toilettes de l’Assemblée : « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité ».
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Les historiens ont fait remarquer à la dame qui a fait perdre Jospin en 2002 que l’accord de Londres du 8 août 1945, qui définit les crimes contre l’humanité, ne fait pas de distinction entre les diverses formes d’esclavage — un principe repris par le Statut de Rome du 17 juillet 1998.
À quoi servait donc cette loi Taubira ? Son autrice s’en est expliqué dans l’Express en mai 2006 : c’est afin que « les jeunes Arabes (…) ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes ». En clair, on efface treize ou quatorze siècles de traite saharienne, accompagnée de mutilations insensées, on efface le fait que l’esclavage sévit toujours dans certains pays musulmans, et on fait porter la « faute » sur les Occidentaux qui ont bon dos et dont on espère, un de ces jours, une compensation financière. Tout comme l’Algérie fait porter sur les colons, qui ont fait de leur mieux pour faire entrer ce pays dans la modernité, la responsabilité de cinquante ans de gabegie et d’annexion des ressources pas une caste islamo-militaire. Et pourquoi pas la responsabilité des 200 000 morts de la guerre civile des années 1990-2000, sur laquelle Kamel Daoud a écrit ce si beau livre couronné cette année du Goncourt ?
Je n’irai pas voir Emilia Pérez — les comédies musicales franco-mexicaines sur fond de narco-trafic ne m’attirent guère, et les Mexicains, qui en connaissent un bout, s’en sont offusqués de leur côté. Mais je sais que tomber à bras raccourcis et messages courroucés sur une personne qui énonce des vérités basiques est une infamie.
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