La Creaverse de Clara Noguier, DDB Paris : « J’utilise ChatGPT comme un esclave »
Bienvenue dans le Creaverse, la nouvelle rubrique qui explore l’univers créatif des esprits derrière les – meilleures – campagnes publicitaires. À chaque épisode, nous plongeons dans les sources d’inspiration, les méthodes et les idées parfois insolites qui alimentent les créatifs … Continuer la lecture → The post La Creaverse de Clara Noguier, DDB Paris : « J’utilise ChatGPT comme un esclave » first appeared on La Réclame.
Bienvenue dans le Creaverse, la nouvelle rubrique qui explore l’univers créatif des esprits derrière les – meilleures – campagnes publicitaires. À chaque épisode, nous plongeons dans les sources d’inspiration, les méthodes et les idées parfois insolites qui alimentent les créatifs et créatives de ce secteur en perpétuelle évolution.
Déjà le 5e e opus avec Clara Noguier, creative director au sein de l’agence DDB Paris, DA passée DC, Sherlock de la création avec son binome Olivier Watson et incollable sur les races de chien.
C’est une nuit d’été étouffante, les cigales chantent, mais votre esprit reste bloqué sur cette campagne ambitieuse pour une marque de mobilier design. La fatigue vous guette, mais le pitch est pour demain. Où puisez-vous l’énergie ou l’inspiration pour transformer l’obstacle en opportunité ?
Clara Noguier : Déjà, j’adore le set-up. J’ai l’impression d’être soudainement une autrice qui fuit la ville pour chercher l’inspiration à la campagne. Pour être très honnête, j’ai passé mes années de junior à lire tous les remèdes et méthodes pour “casser la feuille blanche”. Cela en devenait presque une obsession, comme s’il existait une formule secrète à laquelle tout le monde pouvait avoir accès et qui fonctionnait à chaque fois.
Je suis finalement assez contente de me dire qu’une telle formule n’existe pas. Chaque projet est différent, et l’inspiration est quelque chose d’assez volatile. Il faut évidemment beaucoup de travail et de curiosité pour la développer, mais la petite étincelle de départ reste un miracle qui naît au croisement de plusieurs éléments.
Lire des articles sur le sujet sur lequel on travaille, regarder des interviews, scroller sur TikTok (oui, parfois on y trouve des insights)… Mais chez moi, tout cela se concrétise lors d’une discussion. J’ai besoin de noter mes idées puis d’échanger avec Olivier, mon binôme depuis 10 ans. Confronter nos idées et nos points de départ, c’est comme ça que nous construisons nos concepts depuis tout ce temps. Nous sommes toujours obsédés par trouver l’IDÉE. Celle, parmi toutes celles notées dans nos carnets, que l’on retient avant de se coucher et qui est encore là au réveil. Même si, parfois, entre l’inspiration initiale et l’idée finale, il ne reste plus grand-chose de commun.
Vous avez réuni 2 teams créas pour un autre pitch, et cela n’avance pas. Les idées ne viennent pas, ou elles sont à côté du sujet. Que mettez-vous en place face à ce manque d’inspiration général ?
C.N. : Ce sont des situations assez récurrentes en pitch. Il y a toujours ce moment où, après avoir présenté le brief, la question ultime est posée : “C’est bon, tout est clair pour vous ?”, et on se rend compte, une fois le travail commencé, que les choses n’étaient finalement pas si claires qu’ils le laissaient paraître.
Dans ces moments-là, mon binôme et moi considérons que notre rôle se joue précisément ici. C’est là que tout l’enjeu d’être un “bon” DC se révèle : savoir dénouer les nœuds et donner des clés de lecture. Parfois, cela passe par un travail de conception avec les équipes, en prenant le temps, pendant les points créa, de bien décortiquer chaque point de départ et de donner suffisamment de matière aux créatifs pour qu’ils puissent rebondir ou voir le brief sous un autre angle.
Mais parfois, ça arrive qu’on fasse de la conception pour trouver des idées que l’on partage ensuite aux créatifs pour qu’ils les développent. On essaie cependant de faire cela le moins possible, parce que c’est un peu comme quand t’es face à un problème de maths : si tu sais que tu vas pouvoir copier sur ton pote à chaque contrôle, tu fais moins d’efforts, et ta motivation pour apprendre diminue forcément. Faut que tout soit fait en bonne intelligence pour pousser le produit créatif vers le meilleur mais aussi les capacités de chaque teams.
Comment vos idées viennent-elles ? Rien que du spontané, du chaos, du bazar… ou avez-vous une méthode qui a fait ses preuves pour les faire naître ?
C.N. : Comme je l’ai expliqué dans la première question, cette question ne peut avoir une réponse unique à mes yeux. Les idées viennent en réfléchissant, en imaginant, en échangeant, et il n’y a pas de formule magique pour les faire apparaître. Je pense donc que je mentirais si je disais qu’une idée te tombe toute faite dans la tête pendant que tu bois un verre avec tes potes. Il faut évidemment mettre son cerveau en marche et faire des connexions.
Avec Olivier, on aime se comparer aux détectives dans les séries policières : ceux qui se tiennent devant un tableau en liège, rempli d’indices, et tirent des fils rouge entre eux pour trouver la solution. Pour moi, c’est un peu comme ça que les idées naissent : en croisant les points de départ et les faits.
Creaverse parle d’inspirations, quelle est la dernière chose ou image qui vous a inspirée ?
C.N. : Dernièrement, c’est le discours de Demi Moore aux Golden Globes qui m’a particulièrement inspirée. J’ai vu The Substance assez tardivement, et je ne peux pas dire que c’est le genre de film que j’aime au premier abord. Mais je me suis laissée surprendre par un style qui m’a totalement sortie de mes habitudes. Les mots que Demi Moore a prononcés devant toute l’industrie hollywoodienne ce soir-là m’ont évidemment touchée. Mais au-delà de l’émotion, ils m’ont poussée à sortir de ma zone de confort.
On a souvent tendance à croire que ces personnalités manquent de peu de choses, qu’elles ont accès à tout, et qu’elles ne rencontrent que des “problèmes de riches”. Pourtant, j’ai trouvé la sincérité de son discours bien plus inspirante que ce que j’aurais imaginé.
Ce discours m’a donné envie de me dire qu’il ne faut pas toujours choisir les mêmes types de personnages quand on écrit un script, que parfois, ne pas plaire à tout le monde au premier abord peut être une bonne chose. Et surtout, que le fait d’aller à l’encontre de l’attendu peut nous emmener vers des endroits que nous n’aurions jamais pensé explorer nous-mêmes.
Et celle qui vous a intriguée (WTF) ?
C.N. : Comme beaucoup de monde pendant le break de Noël, j’ai regardé la saison 2 de Squid Game. Et, comme beaucoup de monde, je suis tombée sur cette rumeur circulant sur les réseaux, selon laquelle le lieu qui aurait inspiré la série aurait réellement existé. J’ai vu passer des montages utilisant des images générées par IA, extrêmement bien réalisées, qui ont semé le doute chez de nombreuses personnes. Une vidéo explique la rumeur et le fact-checking qui a suivi.
J’ai été fascinée de voir, dans les commentaires, le nombre de personnes qui ne remettaient absolument pas en question ces images et ne cherchaient même pas à vérifier la source de cette information. Je ne sais pas si je peux dire que c’est une source d’inspiration, mais cela m’a certainement intriguée, surtout à un moment où l’on apprend que Meta a décidé de supprimer ses outils de “fact-checking” au nom de la “liberté d’expression”.
Musées, comptes YouTube, podcasts, fenêtre sur cour… Quels sont vos meilleurs dealers d’inspiration ?
C.N. : Alors je vais essayer d’être plus concise sur ces réponses là ;)
– Musées : Le Bal sans hésitation c’est littéralement ma cantine, mon libraire et du coup mon refuge en cas de mauvais temps ;
– Chaîne YouTube : Un bon Saturday Night Live (y a des des vieilles vidéos mais je suis boomeuse en retard donc j’ai le temps de les rattraper) ;
– Podcasts : Serial ou ceux du New York times. Totalement addict. Je dirais Top 3 S-Town, Califate NYT et The coldest case of Laramie. Mais y a aussi un classique que j’écoute tout le temps Vision(s) ça permet de découvrir des photographes ou d’écouter des copains.
Pouvez-vous nous envoyer une photo d’un lieu qui nourrit votre créativité ?
C.N. : Comme d’habitude, je suis incapable de choisir une seule photo… Donc voici plutôt “une ambiance” d’un endroit où je me ressource. L’endroit en question, c’est celui sous la neige à la fin. Au début, je vous vends juste un peu de rêve en essayant de faire croire qu’il peut y avoir du beau dans 94 % d’humidité de la Normandie.
Ce n’est peut-être pas l’endroit où je suis la plus créative, mais c’est une bulle d’air qui me permet de l’être davantage après, surtout une fois sortie d’une sieste dans un hamac.
L’avènement de l’IA générative a bouleversé le secteur, si le soulèvement des machines n’est pas pour demain, quelle place l’IA a-t-elle dans votre quotidien et votre idéation ?
C.N. : J’utilise ChatGPT comme moteur de recherche ou un peu comme esclave — je l’avoue… Mais sinon, j’utilise évidemment Midjourney et les IA d’Adobe.
Je pense que je les utilise aussi moins fréquemment maintenant en tant que DC qu’à l’époque où j’étais DA. À ce moment-là, j’étais beaucoup plus souvent derrière mon ordinateur à produire des visuels toute la journée. Aujourd’hui, mes journées sont surtout remplies de réunions avec mes collègues et mes clients, qui, eux, n’ont pas encore leur propre Intelligence Artificielle.
Pour résumer, je vais essayer des choses par curiosité ou quand pour une présentation ou un pitch, on doit faire un effet un peu peu “waow” en créant le son sur-mesure ou l’image parfaite. Mais de là à dire que c’est mon usage quotidien, ça serait un mensonge.
Quel est votre premier / dernier prompt ?
C.N. : Premier prompt à ChatGPT : « Fais moi un prompt Midjourney qui rendra réaliste ». Dernier prompt à ChatGPT : « Corrige les fautes d’orthographe de cette interview ».
Quelle publicité ou stratégie auriez-vous aimé imaginer ?
C.N. : Pour la débilité et la liberté créative, toutes les pubs de Liquid Death ou celles de l’agence de Ryan Reynolds, Maximum Effort. Et pour marquer l’histoire de la pub, Write the Future – Nike.
Demain à 11h, vous avez rendez-vous avec Bill Bernbach. De quoi parlez-vous ?
C.N. : La bonne réponse à cette question ne pourra sortir que de la bouche d’Alexander Kalchev. Donc je vais sûrement répondre à côté, mais je me lance : “Et sinon, ils étaient comment les influenceurs en 1959?”
Point de croix, collection de dés à coudre, voix de baryton ou de soprano : avez-vous un talent caché ou passe-temps honteux ?
C.N. : Talent caché : incollable sur les races de chien . Passe-temps honteux : les vidéos de nettoyage de tapis orientaux sur TikTok.