« C médiatique » (France 5) : Yves Calvi en majesté

La passion du microcosme. - Connivences et promotions / « C médiatique », France 5, Yves Calvi

Fév 5, 2025 - 14:28
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« C médiatique » (France 5) : Yves Calvi en majesté

La passion du microcosme.

Depuis fin 2022, France 5 diffuse chaque dimanche dans l'indifférence générale une émission consacrée aux médias, « C médiatique ». À peine lancée, on craignait déjà y voir poindre une certaine tendance « superficielle et confraternelle, offrant simplement un espace médiatique aux élites de la profession pour justifier leurs choix et vanter leurs productions ». Ce 2 février, l'animatrice Mélanie Taravant et ses chroniqueurs recevaient en plateau un certain Yves Calvi, journaliste au passif long comme le bras, chien de garde s'il en est. Bilan ? Complaisance et connivence à tous les étages – de quoi rendre un verdict plus sévère encore qu'il y a deux ans et demi.

De fait, le ton est donné dès l'entame : « Yves Calvi décode le monde à la radio, à la télé, depuis presque quarante ans avec son style toujours très pédago. » Et dès la première question : « Vous, journaliste, comment vous vous informez le matin, est-ce que vous avez un rituel ? »

Et encore n'était-ce là que le préambule. Le chroniqueur François Saltiel s'emballe :

- François Saltiel : Le style Calvi, on l'a entendu, c'est déjà une voix très enthousiaste, une voix curieuse, gourmande, entraînante, qui embarque complètement l'auditeur. Ça, c'est un peu pour la forme. Et sur le fond, on sent une volonté empathique. C'est-à-dire de se mettre au diapason des préoccupations du public, un peu sur le terrain, vous savez parfois on reproche aujourd'hui d'être un peu trop condescendant, là c'est pas le cas. On essaye vraiment de répondre aux attentes des gens, et ils sont nombreux à vous écouter.

- Mélanie Taravant : À hauteur des auditeurs.

- François Saltiel : À la hauteur des auditeurs. Ça, c'est un peu ça entre le fond et la forme [sic]. Et puis le ton Calvi, pardonnez-moi, c'est aussi un tic qui est devenu gimmick.

En l'occurrence, le « tic devenu gimmick » consiste, chez Yves Calvi, à dire « pardonnez-moi » lorsqu'il interrompt ses interlocuteurs. Ce qui a l'air de passionner le chroniqueur, qui insiste : « Il vous sert à quoi, ce "pardonnez-moi " ? » Et encore : « Donc c'est de la politesse, quoi ? »

À ce stade, la teneur des questions ne laisse déjà plus de doutes sur la nature de l'interview. Mais c'était sans compter quelques coups de brosse à reluire supplémentaires. Par Mélanie Taravant, d'abord, visiblement dans un monde parallèle :

Et pardonnez-moi Yves Calvi, vous définissez votre travail comme un journalisme d'explication, est-ce que finalement c'est une manière de prendre aussi le contrepied du journalisme d'opinion, qui s'impose quand même beaucoup sur les autres plateaux ?

Mais aussi :

Et parfois, même si c'est des longues phrases emberlificotées, vous arrivez quand même à arriver à l'essentiel et à traduire probablement la pensée du téléspectateur ou de l'auditeur à ce moment-là.

Loué soit Yves Calvi. La chroniqueuse Lise Pressac en rajoute une couche :

« Pugnace et pédagogue », c'est pas moi qui le dis, c'est le JDD qui parle de vous en 2011. Vous êtes un journaliste « interactif » titre Le Parisien. « Journaliste populaire sans être populiste. Intelligent sans être intello ». Que de compliments Yves Calvi ! Et un style qui est inchangé, que ce soit sur LCI, sur Canal + ou sur BFM-TV. Avec à chaque fois ce que vous aimez par-dessus tout, ce sont les émissions en direct, donc vous êtes bien, chez nous, ici, puisqu'il peut tout se passer.

On ne doute pas qu'Yves Calvi se sente bien sur le plateau – c'est même le moins que l'on puisse dire. D'autant que les questions plus nombrilistes les unes que les autres s'enchaînent : « À la rentrée, vous disiez avoir été blessé après avoir été remplacé par Thomas Sotto à la matinale, c'est passé depuis ? » (Lise Pressac) ; « Est-ce que vous aimez l'exercice de l'interview politique ? » (Mélanie Taravant) ; « Si je vous donne, parce qu'on vous a entendu vous étiez joueur Yves Calvi, là je vous donne une carte comme au Monopoly, sauf que vous pouvez aller où vous voulez. Donc vous iriez où, vous feriez quoi ? » (François Saltiel) ; « Vous êtes assez absents […] des réseaux sociaux, ce qui est assez rare lorsqu'on est un journaliste à forte notoriété comme vous. Pourquoi cette absence-là ? » (François Saltiel) ; etc. La passion du microcosme… Jusqu'à ce chef d'œuvre de journalisme, signé Mélanie Taravant :

Est-ce que vous binge-watchez, Yves Calvi ? Est-ce que vous vous gavez de séries ? […] Vous avez des séries préf, comme disent les jeunes, des séries préférées que vous regardez ? […] Moi, on m'avait dit que vous regardiez aussi « Peaky Blinders », « Narcos », « Breaking Bad ». Quand même, tout ça avait un point commun, c'était un peu des spécialistes des drogues et des addictions. On avait la prohibition, la drogue… Je me suis demandée si ça cachait pas quelque chose ?

Ou comment « C médiatique », l'émission qui prétend être consacrée aux médias et à « ceux qui animent le débat médiatique », se charge surtout… de consacrer ces médias et leurs tenanciers. Loin, très loin même, de la critique des médias.

Maxime Friot